Le consentement libre et éclairé en psychiatrie

Publié le par autrelieu.over-blog.com

La Loi sur les droits du patient du 22 août 2002 vient de fêter son 10ème anniversaire. En 2005, la Commission fédérale Droits du patient, mise sur pied dans le cadre de cette législation,  avait créé en son sein un groupe de travail « soins de santé mentale », afin d’examiner l'application de la Loi dans le secteur en question, jugeant que ce secteur possédait quelques caractéristiques particulières  

 

C’est l’application de l'article 8 de la loi du 22 août 2002 relatif « au droit au consentement libre et éclairé" dans le secteur des soins de santé mentale,  qui avait fait particulièrement débat.

 

La Commission rappelé la différence qui existe entre l'admission forcée et le traitement sous contrainte (ou « soins contraints »). La loi de protection de la personne du malade mental du 26 juin 1990 régit l'admission forcée. Celle-ci ne signifie pas que le patient pourra nécessairement faire l’objet d’un traitement sous contrainte, qu’il est devenu d’office incapable et qu’il a perdu tout droit de prise de décision. Concrètement, un patient admis sous contrainte peut toujours exercer son droit au consentement libre et éclairé, dans la mesure de ses possibilités.

 

Un avis fut donc rendu le 18 mars 2011, se référant notamment aux Recommandations du Comité des Ministres aux Etats membres du Conseil de l'Europe, à l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et à l’article 22 de la Constitution.

 

Aujourd’hui, il convient de réaffirmer que le tournant éthique de la psychiatrie  consiste à considérer, toujours, le patient comme un sujet, en lui parlant, même si c’est difficile lorsque celui-ci ne soutient plus cette position. Trop souvent tout se passe pour les patients admis de force comme si la mesure de protection justifiait  que le personnel soignant puisse devenir sourd à leur vécu (l’injonction de médication sans accompagnement de parole et de relation) mais aussi constituait un blanc-seing pour que les patients puissent subir certains « traitements » comme des punitions.

 

Quand se termine cette admission forcée, comment alors, dans ces cas de figure, un patient pourrait-il se dire avoir été soigné s’il reste en souffrance par rapport à des traitements qu’il juge, à tort ou à raison,  injustes, violents et non fondés ?  

 

Il importe vraiment de prendre en compte le sentiment subjectif de dignité qu’éprouve le malade qui ressent l’humiliation de n’être plus tout à fait capable de se gérer soi-même. En situation de contrainte, plus encore qu’en situation d’admission volontaire, tout le contexte relationnel offert par les soignants doit donc conduire à transmettre un sentiment de respect.

 

Car même psychiquement atteints, les hommes et les femmes gardent sur quantité de domaines de leur vie la capacité de juger et de se conduire de manière normale.

 

C’est pourquoi, quelle que soit sa capacité de consentement, tout malade mental, même admis de force, garde toujours le droit d’être informé de son traitement et des buts poursuivis par celui-ci.

 

Ce n’est pas parce qu’une information, donnée dans un vocabulaire accessible au patient, risque de recevoir un refus ou une réponse absurde que le consentement ne doit pas, lui, être négocié et recherché. Le patient doit rester un interlocuteur égal en humanité, et non pas se trouver stigmatisé comme « inférieur » en raison de ses difficultés de capacité.

 

De même, puisque la perte d’autonomie menace directement le sentiment qu’a le patient d’être respecté, tous les indicateurs de dignité deviennent ainsi importants : la politesse des soignants, le respect de l’hygiène, et de l’intimité et jusqu’à la qualité esthétique des locaux.

 

Sur un autre plan, les malades admis de force se voient privés du droit de choisir leur thérapeute, mais gardent celui de faire appel à un consultant externe. Ils n’en sont guère informés, et l’assurance maladie ne leur rembourse pas la consultation qui serait demandée à un médecin de leur choix.

 

Et puis, posons-nous une question plus générale, sociétale : la Loi sur la protection de la personne du malade mental (mais le législateur s’est gardé de définir ce que recouvre la notion de maladie mentale…) ne concerne-t-elle pas de plus en plus de personnes qui sont vues comme inadaptées aux valeurs sociales, à des personnes qui se rendent marginales, à des personnes faisant preuve de « dérangerosité » mais pas vraiment de dangerosité (encore qu’en Italie, la loi 180 de 1978, supprimant les hôpitaux psychiatriques a dissocié la notion de maladie mentale et celle de dangerosité) ? Ne vient-elle pas combler les lacunes d’un système d’organisation sociale insuffisant ? Recherche-t-on avec assez d’assiduité des alternatives thérapeutiques à l’hospitalisation forcée, dont parle la Loi. ?

 

Quoiqu’il en soit, s’agissant d’hospitalisation sous contrainte (forcée) et de soins contraints, des positions différentes demeurent : pour un psychiatre, aujourd’hui décédé, « il s’agit bien d’hospitalisation, contrainte  certes, et l’hôpital n’est pas d’abord une prison de sécurité. Le sens de la loi est de pourvoir au traitement du malade. Il est donc légitime de lui imposer un traitement lorsque ce traitement est nécessaire et qu’il ne peut y consentir. Ne pas traiter serait un abandon. » Pour un juriste d’une Mutuelle, « la mesure de contrainte n’implique pas l’obligation pour le psychiatre d’entamer un traitement ; contrairement à ce qu’a écrit le Comité Consultatif de Bioéthique, dans son avis n° 21 du 10 mars 2003 relatif au « traitement forcé en cas d’hospitalisation sous contrainte », il n’existe pas dans le chef du praticien de « devoir de soigner », ce concept n’étant que le déguisement éthique d’un paternalisme obsolète ».         

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C
Bonjour,<br /> N'existe t il pas d'autres solutions à part l'admission forcé? La violence, l'agression et l'obligation ne doivent en aucun cas être appliqué aux êtres humains bien qu'ils soient malades.
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